Monsieur le Premier Ministre,
La presse s’est récemment fait l’écho de
l’avancée des travaux préparatoires de la loi sur le logement, celle-ci devant
inclure « des mesures fortes de mise
à disposition de plus de logements sociaux », s’appuyant notamment sur
le « relevé d’observations
provisoires » de la Cour des comptes relatif à l’occupation et la gestion du parc locatif social .
Il apparait que ce prérapport suggère -
entre autres propositions - de baisser de 40% les plafonds de ressources
permettant de prétendre à une attribution d’HLM.
Je tenais à vous faire part de ma vive
émotion à l’évocation de cette mesure. Celle-ci me semble en effet en totale
contradiction avec les réalités socio-économiques du secteur locatif social. En
Ile-de-France comme dans les grandes villes, où l’augmentation des loyers dans
le secteur privé impacte désormais durement la classe moyenne et l’ensemble des
jeunes couples travaillant, elle serait même un non-sens. Excluant de facto ces catégories de
l’accession au logement social, elle accentuerait ainsi leur exode hors des
villes et contribuerait à les rejeter toujours
plus à la marge des agglomérations.
Or, ce sont ces couples qui « travaillent
et se lèvent tôt » qui constituent pourtant le ciment de toute mixité
sociale. Leur pouvoir d’achat est déjà lourdement pénalisé par la place
toujours plus grande occupée par le logement dans leur budget : ils seraient
donc les premières victimes d’une baisse substantielle des plafonds d’accès au
logement social.
Baisser de 40% (ou même de 20 %) le
plafond des revenus autorisant l’accès aux HLM, c’est s’engager dans
l’engrenage d’une paupérisation de l’habitat social : avec de tels
plafonds un couple légèrement au-dessus du smic pourrait être exclu des
logements HLM ! En couplant cette mesure à la multiplication du montant des
surloyers, également évoquée par les médias, ce projet de loi ne ferait que conforter
la politique de ghettos urbains entreprise volontairement par certaines
communes de la petite couronne, où la construction exclusive de logements très
sociaux - véritables foyers de pauvreté - tend à y inverser la problématique de la mixité sociale, avec les
résultats désastreux que l’on sait.
Maire d’une commune réputée privilégiée,
qui compte pourtant près de 20 % de logements sociaux - qui a été saluée à ce
titre dans le dernier rapport de la « Fondation Abbé Pierre » -
et ancien Président d’importants Offices HLM, je tenais donc à vous mettre en
garde : une loi sur le logement structurée de la sorte constituerait la
plus totale négation des engagements solennels pris lors de nos dernières
campagnes. Je ne pourrais en aucun cas la cautionner et je crains que nombre
des parlementaires de la majorité en fassent de même.
Il conviendrait plutôt que la nouvelle
loi soit pensée comme un véritable cadre d’accompagnement d’un
« parcours locatif social », ouvert au plus grand nombre de Français
- ponctuellement ou durablement, en fonction de leurs besoins.
Afin de favoriser l’émergence de ce
parcours locatif et notamment d’éviter que les HLM restent attribuées « à
vie », je suggère, d’une part, de concilier une hausse modérée de surloyer
de solidarité couplée à la réintégration des logements de type PLI dans la
catégorie sociale. Cela favoriserait la mobilité au sein du parc locatif
social et permettrait, de manière plus efficace et plus juste que la baisse
arbitraire des plafonds d’accès, la libération des HLM, PLA et PLAI par les foyers
ne relevant pas de cette catégorie en opérant un glissement de ces derniers
vers les PLS et PLI. Les logements les plus sociaux deviendraient ainsi plus
aisément disponibles pour les revenus les plus modestes.
Par ailleurs, je propose de réintégrer
les résidences pour personnes âgées (RPA) dans le secteur social, ce qui
éviterait des situations où nos aînés, faute de pouvoir se loger ailleurs,
conservent seuls des logements sociaux attribués près de trente ans auparavant
pour une famille de 4 ou 5 personnes. Cette mesure contribuerait à la
libération de logements de grande surface qui, bien souvent, sont une denrée
rare dans nos villes, alors que la demande est croissante.
J’espère que la version finale du projet
de loi soumise au Parlement ne reprendra pas les incohérences du prérapport sur
le logement, aux conséquences particulièrement dramatiques. Ce projet de loi ne
doit en aucun cas céder à la facilité et au populisme en se contentant de
baisser les plafonds, au risque de faire des logements sociaux le cul-de-sac de
la paupérisation locative et le nouveau moteur de l’exclusion des classes moyennes
hors de nos villes. Au contraire, il doit permettre d’envisager mixité et mobilité
au sein du parc social.
Aussi, je compte sur le gouvernement
pour choisir la voie de la pertinence et de l’efficacité pour ce projet de
réforme capital.
Je vous prie de croire, Monsieur le
Premier Ministre, en l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Patrick BALKANY
Maire de Levallois
Député des Hauts-de-Seine
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